Économie
Conjoncture

Conjoncture : France une année 2020 éprouvante

Le dernier point de conjoncture établi par le pôle Economie du Medef montre combien l'année 2020 aura été éprouvante pour la France. Quant au rebond économique pour 2021, des incertitudes existent sur son l'ampleur du rebond économique en raison de l'évolution de la pandémie t des mesures sanitaires qu’elle impose.

France : une année 2020 éprouvante

Sur l’ensemble de l’année 2020, le PIB français a chuté en moyenne de 8,2 % par rapport à 2019, soit une contraction inédite depuis que l’INSEE mesure l’activité économique (1949), mais toutefois moins vertigineuse que ce qu’anticipait le gouvernement (-11 %); le PIB retrouve ainsi son niveau de 2012.

Les dépenses de consommation des ménages ont diminué en moyenne de 7 % par rapport à 2019 en lien avec la dégradation de leur moral. En effet, alors même que leur pouvoir d’achat a été plutôt préservé (hausse de 1,1 % du revenu disponible brut, soit +0,6 % corrigé de l’inflation), leurs craintes sur l’évolution du chômage et sur la dégradation des niveaux de vie ont alimenté leur comportement d’épargne (21,3 % du RDB, soit son niveau record, déjà atteint en 1975).

L’observation du marché du travail sur l’année 2020 justifie en partie ces craintes: 320000 emplois ont été détruits sur un an dans le secteur privé (interrompant de fait la dynamique enclenchée début 2015 qui avait permis la création de 1065000 emplois privés au cumulé à fin 2019) et 260500 demandeurs d’emploi supplémentaires inscrits à Pôle Emploi (catégories A, B et C).

L’investissement des entreprises a diminué en moyenne de 10,3 % par rapport à 2019 dans un contexte de baisse de la demande. Globalement, la situation des entreprises est devenue vulnérable même si paradoxalement le nombre de défaillances a diminué sur l’année (environ 32000, soit -40 % par rapport à 2019 et un plus bas depuis trente ans) grâce à l’ampleur des dispositifs de soutien d’urgence. Le taux d’endettement des entreprises financières a augmenté significativement (+12 points sur un an) à partir d’un niveau déjà élevé (86 % du PIB) tandis que leur taux de marge a franchement reculé (-4 points à 29,3 % de la valeur ajoutée) pour s’établir à un plus bas depuis 1985.

Si l’année 2020 a été économiquement (et à biens d’autres égards) épouvante, la situation aurait pu être pire. En effet, dans un contexte inédit, pour sauver des vies, protéger les moyens de subsistance des populations, préserver autant que possible l’emploi et éviter au maximum les faillites, l’Etat a dépensé sans compter (doctrine du « quoi qu’il en coûte »), aggravant par la même occasion la situation des finances publiques.

Ainsi en 2020, le déficit public a atteint 9,2 % du PIB tandis que la dette s’est accrue de 16 points pour avoisiner les 116 % du PIB (à noter que la moitié de la hausse provient de la baisse du PIB -effet dénominateur). A ce stade néanmoins, les finances publiques sont soutenables(en particulier au regard de la faiblesse des taux d’intérêts) et les débats autour de l’annulation de la «dette Covid» n’ont pas de sens.

Des incertitudes sur l’ampleur du rebond économique en 2021

Plus que jamais, l’ampleur du rebond de l’économie est conditionnée, d’une part à l’évolution de la pandémie et des mesures sanitaires qu’elle impose, et, d’autre part, à l’efficacité de la campagne de vaccination. Dans ce contexte, il est très difficile d’effectuer une prévision solide de croissance pour 2021, d’autant plus que certains enseignements de la théorie économique, confirmés par des faits sur longue période, ont été remis (provisoirement ?) en question par la crise de la Covid-19.

Les enquêtes de conjoncture permettent néanmoins d’obtenir quelques signaux quant à l’évolution de l’économie. Les dernières en date montrent par exemple que la confiance des ménages demeure dégradée (une très légère amélioration est observable en mars, à partir néanmoins d’un niveau bas),ce qui se traduit par une poursuite des comportements d’épargne (en février la collecte sur les livrets réglementés a atteint 3,8 milliards d’euros après déjà 7,2 milliards en janvier, soit une collecte cumulée de 11 milliards d’euros sur les deux premiers mois de l’année; l’encours total sur les livrets réglementés atteint quasiment 460 milliards d’euros).

S’agissant de l’activité économique, les dernières enquêtes témoignent d’un redressement du moral des industriels (excepté dans l’aéronautique) ainsi que d’une forte progression d’activité (PMI manufacturier à 58,8 en mars en première estimation, soit un plus haut en 39 mois) tandis que dans les services la récession se poursuit (PMI services à 47,8 en mars en première estimation) même si le moral des fournisseurs de service se redresse légèrement du fait d’une hausse de leurs perspectives d’activité.

Mais comme l’explique l’INSEE dans sa dernière note de conjoncture, l’évolution rapide des conditions sanitaires rend les résultats des enquêtes conjoncturelles traditionnelles assez fragiles et il est fondamental de les compléter en exploitant les données à haute fréquence(trafic routier, consommation d’électricité journalière des entreprises raccordées à RTE, requêtes par mots clés sur les moteurs de recherche, utilisation cartes bancaires, articles de presse). La conjugaison de ces données laisse à penser qu’au premier trimestre 2021 le PIB enregistrerait une croissance de l’ordre de1 % par rapport au quatrième trimestre 2019 (soit 4 % en dessous de son niveau d’avant crise).

Pour le deuxième trimestre, des incertitudes demeurent. L’INSEE conditionne en effet le retour de l’activité à son niveau d’octobre 2020 (soit 3 % en dessous de son niveau d’avant crise) à l’allègement progressif des mesures de restrictions à partir de la mi-avril (réouverture potentielle des restaurants et bars, reprise des activités de loisirs, levée du couvre-feu et des confinements locaux) : dans ces conditions, le PIB pourrait progresser de 1 % par rapport au premier trimestre, ce qui porterait l’acquis de croissance à la mi-2021 pour l’ensemble de l’année 2021 à 5,5 %. Néanmoins, les dernières annonces du gouvernement destinées à endiguer la «troisième vague» de l’épidémie (extension au niveau national du « confinement », aménagement du calendrier scolaire, etc.) pourraient invalider ce scénario.

Les prévisions de croissance pour 2021 sont assez hétérogènes. Le consensus table en moyenne sur un rebond du PIB de l’ordre de 5 %. Le 4 avril, le gouvernement a abaissé sa prévision de croissance de 6 % à 5 % pour tenir compte de l’évolution du contexte sanitaire et des restrictions associées. Attention toutefois à ne pas se laisser abuser par le terme de « croissance » dans la mesure où le PIB serait fin 2021 plus de 3 points en dessous de son niveau de 2019 : plutôt que de parler de croissance, le terme de «récupération» paraît ainsi plus approprié.

Au-delà de la reprise économique attendue en 2021, force est de constater que la crise de la Covid-19 aura des conséquences durables sur la production potentielle dans la mesure où elle affecte les trois facteurs de production: le chômage (pendant du facteur travail), lié dans un premier temps à la conjoncture, peut se transformer en chômage structurel (phénomène appelé « hystérèse ») sous l’effet d’une perte de compétences des chômeurs de longue durée, leur renoncement à retrouver un emploi et/ou une inadéquation entre les compétences des travailleurs et les débouchés possibles ; le facteur capital peut sortir diminué de la crise, les entreprises ayant en effet tendance à freiner leurs investissements, en raison de perspectives de croissance déprimées ou de difficultés de financement.

Les faillites d’entreprises et des déclassements accélérés de matériel obsolète concourent à réduire le stock de capital productif ; la productivité globale des facteurs (la contribution de la technologie à la croissance) peut aussi être réduite en raison d’une baisse des dépenses en R&D ou encore de la désorganisation du tissu industriel avec la faillite de nombreuses entreprises.